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Clément CAMBOURNAC

Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC"poilu" de la Grande Guerre

Y penser toujours, n'en parler jamais
contexte33 La 37ème division est engagée, à partir du 22 février 1916, dans la Bataille de Verdun, vers Louvemont, la côte de Talou et la côte du Poivre

nous qui n’avons pas entendu de près le canon pendant 4 mois

texte33
21 fév.

Au réveil j’aperçois au dehors une épaisse couche de neige. La bonne vieille qui me loge m’annonce que le canon a tonné furieusement toute la nuit du côté des Éparges. C’est peut-être la fameuse attaque allemande annoncée. Ça continue à taper dur ; (???) le temps s’éclaicit ; ils ont toutes les veines, ces abrutis. Ils vont encore nous obliger à précipiter notre départ. Enfin, une fois de plus, ils vont recevoir une raclée. Pas d’alerte. Nous voyons quelques explosions sur un fort.

22 fév.

Le bombardement reprend pendant la nuit dans la direction de Verdun. Nous entendons nettement les explosions des gros obus qui tombent en particulier sur la ville. Pendant la nuit, il est passé en grand nombre des réfugiés venant de Verdun ou de ses environs. Nous allons nous promener sur la route de Verdun (xxxx) Ça commence à sentir (un) peu la guerre, et cela remue un peu des braves gens comme nous qui n’avons pas entendu de près le canon pendant 4 mois. D’ailleurs l’habitude sera de nouveau vite prise ; le gbd et les médaux surtout sauront se comporter comme précédemment. Je rigole en songeant que je dors dans un bon lit tandis que Perret qui a peur des rats est obligé de dormir dans un hamac ! S’il le savait il ne me le pardonnerait jamais. Le soir on nous annonce que nous partons pour Dieue (sur Meuse), village près d’Anc(emont) bombardé par des aéros et aussi par des canons à longue portée. Nous sommes prêts à 4 h., tous rassemblés ; comme d’habitude, attente interminable ; le 3è tirailleur arrive et il faut assister au défilé des crouias, les pieds dans la neige. (xxx) Pendant ce temps nous sommes survolés par une saucisse dont le cable a cassé et qui part à la dérive, fort heureusement, elle baisse et finit par atterrir à 2 ou 3 kilom. de la route. Marche assez intéressante dans un vallon un peu désert. La nuit nous surprend en route ; nous faisons une halte à 3 ou 4 kilom. d’Ancemont. À peine sommes nous arrêtés que nous entendons le sifflement d’un (??) de 2 obus qui n’éclatent d’ailleurs pas ; ce sont les premiers depuis la Champagne. Ça sent de plus en plus la guerre ; elle n’est décidément pas finie. Arrivés dans le village d’A(ncemont) où en fin de compte nous devons cantonner ; pagaye innommable dans les rues où se bousculent zouaves, tirailleurs, brancardiers, tringlots. Nous sommes cantonnés dans une ferme située non loin de la gare et des ponts, c’est à dire l’endroit le plus dangereux. La veille les brancardiers de corps qui y étaient logés ont eu plusieurs tués ; c’est nettement le cantonnement indiqué pour le gbd 37. Nombreuses pérégrinations pour retrouver la T.E.M. ; repas très froid à tous points de vue. Nous nous couchons sur la paille ; il fait un froid de loup. Toutes les 10 minutes, on entend le sifflement d’un obus ; les 2/3 tombent dans l’eau sans éclater ; (les autres viennent)



 

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