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Clément CAMBOURNAC

Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC"poilu" de la Grande Guerre

Y penser toujours, n'en parler jamais
contexte36 La 37ème division est retirée du front le 26 février (pour repos vers Rosnes)

la France a trop d’hommes il faut absolument en faire démolir même inutilement

texte36 (xxx) il est plus de minuit ; depuis 2 heures du soir je trotte sur les routes ; il fait un froid de loup ; la neige continue à tomber, pour égayer le tableau quelques obus viennent tomber non loin de nous ; nous savons que pendant ce temps les Boches préparent une nouvelle attaque pour le lendemain ; quels résultats donnera-t-elle ? Il est permis de la redouter après ce que j’ai vu dans la soirée. Pendant qu’on va reconnaitre une ferme située près de la route nous nous couchons sur la terre couverte de neige ; le froid particulièrement vif nous pénètre et nous fait frissonner. Enfin un pxxx? nous a trouvé un cantonnement ; c’est un vaste hangar où nous trouvons pas mal de paille. Buy me dit de retenir un coin pour les officiers et les médaux, car depuis que ça tape, l’abîme qui a toujours séparé les off. des sous-off. est supprimé ! ! ! (tout à l’heure Sigaud voulait que nous trouvions une cave pour les off. et ... pour les médaux !). Pendant ce temps ces cochons là trouvent (sans nous prévenir) une maison abandonnée avec des lits, des matelas, et s’y installent sans nous prévenir pendant que je leur réserve le meilleur coin du grenier. Je m’endors comme une masse malgré le tir de la grosse  nous avons entendu tout à l’heure. A 5 h.1/2 branle-bas, il faut  Belleville ; nous nous installons dans un entrepôt de bois et charbon. On envoie un agent de liaison chercher les ordres du divisionnaire. Je vais avec Perret et Liber chercher une installation pour poste de secours, on arrive à trouver quelques caves pour abriter les blessés ; en attendant on évacue tous ceux qui arrivent par la route. Il fait un temps superbe ; le soleil dore de ses rayons les crêtes encore couvertes de neige ; la canonnade n’a pas repris ; cependant les renforts arrivent de tous les côtés, en progressant par bonds L’e.m. du gbd n’en mêne pas large ; aujourd’hui les médaux peuvent être tranquilles ; personne ne les embêtera ! Vers midi on reçoit l’ordre d’envoyer une section au 2è zouave ; Raynal est désigné ; il se prépare à partir lorsqu’arrive l’ordre d’aller au grand complet au fort de Belleville. Nous grimpons péniblement la côte, (arrivés au fort C. nous dit de redescendre). Arrivés au sommet nous avons une vue splendide sur Verdun et sur la vallée de la Meuse ; au nord nous voyons Bras, Charny, Vacherau-Ville au milieu desquelles serpente la Meuse. A droite la Côte du Poivre ferme l’horizon ; vers la gauche la vue se prolonge au loin sur les Hauts de Meuse. A l’ouest ... Thierville. Au sud Verdun et ses faubourgs, dominé par la masse imposante de sa cathédrale qu’encadrent parfois les obus. Une grosse pièce boche (380, 305 ou peut-être 490). Celle que nous prenions hier pour une pièce française, tellement le coup de départ paraissait proche, tire sur Verdun. Nous entendons un coup très violent, puis un roulement ou plutôt un grondement formidable au-dessus de nos têtes et enfin une explosion effroyable annoncée par la gigantesque colonne de fumée qui se soulève de l’endroit atteint par le projectile. Les gros obus se succèdent à peu près toutes les 3 ou 4 minutes ; c’est vraiment imposant et grandiose rarement j’ai vu un spectacle de guerre d’une pareille majesté. Pendant ce temps les Boches arrosent le hangar à dirigeables ; les 130 pénètrent dans l’édifice en perforant la cloison d’un trou que nous voyons se former sous nos yeux et par où sort la fumée de l’obus. Bien entendu à peine sommes nous arrivés au fort qu’on nous donne l’ordre d’en partir pour aller cantonner dans un hangar où nous avons vu dégringoler les obus ; c’est très amusant ; la France a trop d’hommes il faut absolument en faire démolir même inutilement. Nous descendons la côte, furieux. Quelques obus éclatent sur la route derrière nous. Nous arrêtons dans une carrière aux bords escarpés. Perret et (xxx) partent reconnaître le fameux cantonnement ; pendant ce temps de nombreux aéros boches survolent Verdun dans tous les sens , les uns réglant le tir des batteries jettent des fusées, d’autres observent les mouvements de troupe, d’autres lancent des bombes ; une escadrille de 5 Aviatiks en envoie une dégelée sur le pont - sans doute - qu’elle manque de loin ; on entend les gros projectiles déchirer l’air puis éclater en un fracas terrible. Tous ces aéros sillonnent le ciel dans tous les sens. (xxx) on ne voit pas un seul avion français ; c’est tout à fait encourageant. Heureusement nous avons la maîtrise des airs, affirment les journaux. Que serait-ce s’il en était autrement. Le matin déjà nous avons été survolés par des aéros boches arrivant par groupes sans être inquiétés ; l’un d’eux a lancé des fusées au moment où il passait sur notre cantonnement. Que va-t-il nous arriver sur la figure. Perret revient peu enthousiaste. Buy et moi nous poussons une reconnaissance dans un autre cantonnement. A Belleville nous trouvons M. Mathieu qui nous apprend qu’il faut envoyer une section du groupe avec la 74è brigade ; c’est à Buy à marcher mais bien entendu c’est moi qui m’appuie la corvée ; pour l’occasion on me fait changer de section ! La section désignée doit stationner près du pont de chemin de fer, c’est à l’endroit où tombent les obus ; toujours même tactique : la France a trop de défenseurs ; les Boches n’en tuent pas assez, donnons leur un coup de main. J’obtiens cependant que nous allions au cantonnement en attendant que la brigade monte à l’attaque. Nous arrivons au cantonnement. Sur la route, je me fais saluer d’importance. Nous nous mettons en devoir de dîner et de faire les derniers préparatifs ; Voisin va de l’un à l’autre pour demander un ordre écrit, tellement il tremble pour ses voitures. Pendant ce temps les obus rappliquent autour du cantonnement, se rapprochant de plus en plus. L’un d’eux tombe sur la maison voisine du poste e ...


fin du 3ème carnet.

 C. Cambournac
médecin auxiliaire
Groupe de brancardiers
37è division

sect. post. 132

 

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