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Clément CAMBOURNAC

Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC"poilu" de la Grande Guerre

Y penser toujours, n'en parler jamais
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L’Écho d’Espalion - Dimanche 24 septembre 1922

LE CAYROL Réinhumation. 

C’est par un soleil radieux et une de ces matinées automnales si belles dans notre Aveyron qu’a eu lieu Dimanche dernier la réinhumation de l’aide-major Clément Cambournac, mort glorieusement pour la France. 

Vers 10 heures un important cortège ayant à sa tête Mgr Breton l’éminent recteur de l’Université Catholique de Toulouse se dirigeait vers la croix édifiée sur la route pour y recevoir la dépouille mortelle du jeune héros. Après une courte attente apparait le corbillard automobile orné à profusion de fleurs et de drapeaux. Les trois couleurs claquent gaîment au vent et le coeur ne peut se défendre d’une vive émotion... C’est l’antithèse frappante entre la vie et le mouvement, le silence et la mort. 

Le deuil se dirige vers l’église beaucoup trop exigüe pour recevoir la nombreuse assistance. Au début s’élève grave, semblant issue de profonds caveaux, suivant l’expression de Huysmans une voix de basse chantante préludant majestueusement à l’exécution de l’hymne dont Hugo burina les paroles : “Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie...” La voix s’anime et s’amplifie jusqu’au choeur superbe ; nous la retrouvons pour l’Agnus Dei, le Libéra. 

Au cours de la cérémonie tous les coeurs se sentirent émus dès les premiers mots de l’allocution de M. le chanoine Desgranges et chacun comprit qu’il se trouvait en présence d’un des maîtres de la parole catholique et d’une des intelligences les plus vigoureuses qui se puissent rencontrer servie par une éducation littéraire de premier ordre. 

Paraphrasant les huit béatitudes du sermon sur la montagne et adaptant chacune d’elles à l’état, à la situation de nos morts glorieux, l’orateur sait tirer de ce thème sacré les effets les plus pathétiques. Très beau et très impressionnant discours en vérité. 

Le cortège se rend ensuite au cimetière où cinq allocutions sont prononcées ; l’une par M. Aldebert, maire du Cayrol qui salue en termes émus la dépouille mortelle de son jeune administré ; l’autre par M. Conquet, l’honorable instituteur en retraite du Monastère qui très lié avec M. Cambournac père vient payer son tribut à l’amitié et retrace en traits émouvants l’enfance et la jeunesse du héros disparu ; M. le Dr Jean Capoulade salue l’ami, l’ancien camarade devant lequel s’ouvrait un avenir plein de promesses. Il dit que Clément Cambournac qui sur les bancs du collège avait fait preuve de la plus vive intelligence fut l’un des plus brillants étudiants de la Faculté de Lille et un sujet à ce point distingué que ses maîtres le considéraient comme appelé après avoir subi de haute lutte les épreuves des concours, aux plus hauts degrés de l’enseignement médical. La belle allocution du Dr Capoulade écrite avec le coeur a profondément ému l’assemblée. 

M. l’abbé Mas vint à son tour en termes excellents et avec beaucoup de tact retracer le rôle de Clément Cambournac à l’armée. 

M. le chanoine Desgranges s’avance enfin pour couronner la série des discours par une allocution de la plus haute tenue littéraire. Il retrace la courte mais noble carrière du héros disparu depuis l’âge de 18 ans, époque à laquelle il entra en relations avec lui. Il met en relief devant nous les qualités morales et intellectuelles du jeune héros, son dévoûement inlassable pour les blessés, dévoûement allant jusqu’au sacrifice. 

Clément Cambournac fut on peut le dire une victime du devoir puisqu’atteint d’une blessure grave, il ne voulut pas se laisser évacuer immédiatement et privé des soins que comportait son état, il fut enfin évacué sur l’hôpital de Révigny où il mourut de la gangrène gazeuse dans les bras de ses parents éplorés. 

La foule se retire ensuite profondément émue après avoir renouvelé à la famille Cambournac l’expression de ses vives condoléances. 

Le nom de Clément Cambournac associé à ceux des enfants du Cayrol morts pour la France demeurera éternellement gravé dans la mémoire des enfants de cette belle commune. 

Le discours prononcé par M. l’abbé Desgranges sera publié dans notre prochain numéro.

 

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