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Clément CAMBOURNAC

Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC"poilu" de la Grande Guerre

Y penser toujours, n'en parler jamais
contexte0

ma nomination était à peu près certaine

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3 août 1915

Mon bien cher Jean, 

Une fois de plus, je n'ai pas tenu mes résolutions ; après ta dernière lettre, je m'étais promis de t'écrire au  moins plusieurs fois par mois ; j'y ai souvent pensé mais je n'ai pas eu la force de passer de l'idée à l'exécution ; ce n'est pas à mon honneur ; je te demande encore une fois de me pardonner, mais je prends la solennelle résolution de ne plus te laisser aussi longtemps sans nouvelles ; je suis d'ailleurs suffisamment puni, en ne recevant pas tes réponses.

Nous sommes restés dans le même secteur jusqu'au 9 juillet ; il n'était pas de tout repos ; depuis les attaques de juin, dont les journaux ont donné des comptes-rendus très complets et très exacts, on bombardait de part et d'autre sans discontinuer ; nos postes ont été arrosés à maintes reprises et de façon très soignée. Mon service avait un peu changé ; j'avais eu l'air de plaire au patron qui me faisait faire fonctions d'aide-major. Le 7 juillet , arrive l'ordre de partir, avec toute la division, vers l'arrière pour une période de repos. Nous sommes partis le 9 ; on nous a d'abord installés dans un joli petit village à la lisière de la forêt de X. à 17 ou 18 Kilom. en arrière des lignes. Nous y sommes restés 5 jours ; repos complet, aucun service, une chambre pour chacun de nous, une salle à manger et une cuisine pour notre popote, bref tout ce qu'il faut pour nous trouver tout à fait bien, après les 10 mois que nous avions passés. Bien entendu, tout en étant au repos, nous n'avons jamais été aussi occupés ; cette vie paraît tout à fait anormale : on n'entend pas les coups de fusils, on voit des gens civilisés, on couche dans des lits bien moelleux, on est reçu à bras ouvert par tous les civils (il n'en a pas toujours été ainsi depuis le début de la campagne). On est un peu abruti ; on ne songe qu'à se promener ou à se reposer.

Au bout de 5 jours, nous sommes allés nous installer au beau milieu de la forêt ; le site est fort agréable : un petit village perdu dans les arbres ; de chaque côté la forêt à 10 Kilom. à la ronde. C'est malgré tout un peu monotone ; nous avons visité à présent tout ce qu'il y a d'intéressant dans le pays ; nous avons pris de nombreuses photos ; il n'y a plus qu'à reprendre le collier pour quelques autres mois ; notre départ ne saurait tarder plus d'une dizaine de jours ;cela fera 1 mois de repos, c'est bien suffisant. 

Je ne suivrai d'ailleurs pas le groupe de brancardiers ; en effet, d'après une circulaire récente, peuvent être nommés aide-major les médecins aux(iliares) ayant 12 inscriptions, 6 mois de présence au front, et ayant été cités à l'ordre du jour de l'armée, du corps d'armée ou de la division, ou ayant été blessés. Je remplis ces conditions. Il s'agissait d'être "proposé par les chefs hiérarchiques et accepté par le Directeur du service de santé comme apte techniquement à remplir les fonctions d'aide-major". Le médecin-chef m'a proposé immédiatement et le Directeur m'a accepté. Il m'a dit lui-même que ma nomination était à peu près certaine. Donc, d'ici peu vraisemblablement je quitterai le groupe ; je ne sais pas où je serai affecté ; je demanderai à aller dans un bataillon de chasseurs alpins dans les Vosges où est mon frère, ou si cela n'est pas possible, de rester à la 37e div. dans un régiment de zouaves.

 

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