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Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC, "poilu" de la Grande Guerre |
Y penser toujours, n'en parler jamais |
Bien cher ami,
Minuit ; le vent souffle en tempête dans la forêt qui nous entoure et la pluie fait rage sur le toit fragile de notre habitation ; mes camarades sont couchés, ou de service hors du cantonnement. Je reste seul à faire la veillée d'armes ; en effet, on vient de nous communiquer la vibrante proclamation du général Joffre déclarant que le moment est venu de débarrasser le territoire . Demain à 7 heures, attaque générale ; nous venons de recevoir l'ordre de filer demain matin à 3 Kil. en avant ; nos préparatifs sont faits. J'espère que nous avancerons sensiblement ou qu'en tout cas nous en ferons voir de dures à ces vilains Boches. La 37e est appelée, parait-il, à former un "corps de poursuite" chargé de talonner l'ennemi dès qu'il battra en retraite ; aussi je crois que lorsque nous aurons démarré, je verrai du beau travail.
J'entends déjà tonner le canon sur notre gauche. Ca chauffe dur ; on ne perçoit qu'un roulement presque ininterrompu ; c'est le début de l'attaque qui, avant qqs heures, va arriver jusqu'à nous et se généraliser. Les Boches vont la trouver mauvaise. A part cela, tout va bien : bonne santé, bon courage, bonne humeur ; je crois que je suis assez bon soldat. Donne-moi longuement de tes nouvelles. Je vais me coucher ; d'ici peu le bruit du canon se rapprochant va me réveiller. Chic !
Ton ami qui t'embrasse.
C. Cambournac