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Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC, "poilu" de la Grande Guerre |
Y penser toujours, n'en parler jamais |
1ère vaccination antityphique.
Une note nous informe que le service d’Ollencourt au Puits d'Orléans jusque là assuré par les autos sera désormais à notre charge ; la veille une auto a reçu un éclat d’obus sur la route ; on a jugé à juste raison que cette zone était dangereuse ; bien entendu on n’a pas voulu exposer la vie d’un automobiliste. On préfère risquer pendant 1/4 d’heure la peau de 3 brancardiers et plusieurs blessés que celle d’un embusqué pendant 2 minutes. Vive la République, régime de l’égalité !
De service à Ollencourt, je suis chargé de porter la dite note aux deux médecins-chefs. Le matin, incident à Viézigneux. Le major Martin après avoir injurié et fait injurier par le l.(ieutenant) colon(el) nos braves brancardiers leur fait faire des corvées qui ne relèvent nullement d’eux. À sa demande je vais le trouver dans l’après-midi ; je le déniche chez le colon qui se met à m’engueuler ou plutôt à faire très violemment devant moi le procès des groupes de brancardiers. Jusque là rien à dire ; j’encaisse sans broncher. Mais aussitôt après, il me prend personnellement à parti ne craignant de faire des insinuations tout à fait désobligeantes. Pour le coup je n’y tiens plus je me f.... totalement d’empoigner de la tôle mais je ne veux pas me laisser insulter sans rien dire. Oubliant que mon interlocuteur a 5 galons, je lui réponds en termes au moins aussi vifs que les siens. Il y a 5 mois j’ai réclamé à plusieurs reprises parce qu’on oubliait de m’envoyer ma feuille de route ; à Perpignan, aussitôt après ma nomination, j’ai demandé à partir pour le front alors que j’avais la situation rêvée à tous les points de vue : seul médecin pratiquement pour un hôpital de 140 lits, ayant à donner des ordres aux infirmiers, quelques avis aux Dames de la Croix Rouge, ayant la certitude de jouer un rôle très utile ; bref tous les avantages que je pouvais désirer. J’ai laissé tout cela de bon coeur et ma conscience de patriote est pleinement tranquille. Certains voudraient peut-être que je me sois fait casser la g.(ueule). Leur haine serait-elle alors désarmée. Mais, je ne le ferai que lorsque ce sera utile à mon pays. Le tigre se radoucit alors et nous discutons très courtoisement sur les incidents du matin ; je n’obtiens d’ailleurs pas gain de cause.
Je fais un rapport écrit à ce sujet au médecin-chef. Le soir, 1ère punition donnée par un méd. aux.
2ème injection de vaccin ; amoché pour 2 jours.