|
Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC, "poilu" de la Grande Guerre |
Y penser toujours, n'en parler jamais |
Visite de M. Charles Dumont. Le soir revue par le directeur Valois qui ne parait pas enchanté de notre travail. Pendant la revue, un Taube survole le cantonnement ; on tire dessus ; des tirailleurs amènent une mitrailleuse et se mettent en devoir de le saluer mais le vilain oiseau s’éloigne dans la direction de Paris ; 3 biplans français arrivent aussitôt et se mettent à sa poursuite ; m’est avis que le Taube ne va pas trouver que des roses sur son chemin. Le soir visite à M. l’aumônier.
Messe en plein air auprès du petit cimetière où reposent nos camarades moins heureux que nous. Cérémonie extrêmement émouvante ; 500 ou 600 soldats de toutes armes y assistent avec de nombreux officiers. J’ai le bonheur de pouvoir faire la Sainte Communion. Absoute ; le drap est tenu par 4 officiers dont M. Valois.
Un biplan AviatiK survole Offémont. Le soir nous allons voir le petit 80 de montagne avec lequel on doit aller faire danser les mitrailleuses boches au bois de St Mard.
Fastidieux exercice de salut etc. ...
Avec
l’autorisation du médecin-chef, nous allons Pouch
et moi à Compiègne avec la voiture du
ravitaillement. Nous traversons la forêt de
Compiègne qu’est une vraie merveille et que
j’espère bien traverser plus tard en auto.
J’ai bon espoir de rentrer sain et sauf tout en faisant tout
mon devoir ; dans 6 ou 7 années, quel ne
sera pas mon bonheur de revenir visiter ces lieux où
j’aurais fait campagne, en compagnie de mes parents et de
toute ma famille à qui je serai heureux de rendre un peu de
tout ce qu’elle a fait pour moi. Nous nous munissons de
vêtements chauds, de provisions, d’un appareil
photographique. Déjeuner à
l’hôtel de la Cloche. Superbe hôtel de
ville. Rapide visite de Compiègne, ville fort
agréable. Chez le photographe nous avons le très
grand plaisir de rencontrer notre cher camarade
Angélé non moins surpris que nous,
affecté au 3è tirailleurs. Nous passons la
soirée ensemble, à nous raconter les
évènements écoulés depuis
notre séparation, à nous communiquer nos
premières impressions de campagne. Cantonnés non
loin les uns des autres, nous pourrons nous voir souvent. Nous
repartons ensemble sur sa voiture après avoir
posé en groupe chez le photographe. Pose pour moi. Course
éffrénée du
Puits à Offémont.
Angélé vient déjeuner avec nous ; nous dégustons un ordinaire délicieusement agrémenté. (Le soir) Au début de l’exercice de brancards, on commence à entendre le canon ; puis à son grondement sourd vient s’ajouter le crépitement de la fusillade ; c’est la première attaque à laquelle nous assistons ; belle et impressionnante musique. La section 3 avec Pouch file sur Tracy-le-M. renforcer les brancardiers de service. Angélé repart en vitesse pour ne pas se faire plaquer par son régiment.
Je suis de service au Puits pendant que le sergent va à Tracy avec le reste de la section. Promenade délicieuse dans le bois. Je vais jusqu’à St Léger où je rencontre Angélé et où je fais la connaissance de St Pol. Invité par eux à un délicieux déjeuner. À mon départ, ils reçoivent l’ordre de se préparer à suivre leur régiment qui va se porter en avant. Je rentre au Puits où je passe une très bonne soirée avec mes hommes ; longue manille ; dîner très agréable dans le bois. Au moment d’aller nous coucher, on me charge de faire porter 3 blessés d’Ollencourt à Choisy-au-Bac. J’y vais avec Pofer et Bousquet. Délicieuse promenade au clair de lune jusqu’à Choisy. Rentrée au Puits à 2 heures du matin.