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Clément CAMBOURNAC

Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC"poilu" de la Grande Guerre

Y penser toujours, n'en parler jamais
contexte8 La 37ème division d'infanterie regroupe des régiments de zouaves et de tirailleurs algériens et africains

De tous les côtés on ne voit que des zouaves, vifs, alertes, aux traits énergiques

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20 oct.

Brr ! Notre lit n’est vraiment pas très moelleux ; je ne suis pas encore habitué à coucher sur la paille et je me réveille tous les matins absolument rompu. Nous allons faire une petite excursion à la carrière Malvoisine ; nous rencontrons au passage le ... de ligne à la popote. Nous avons le plaisir d’y voir notre ancien camarade Le Boulair, infirmier régimentaire avec qui nous pouvons causer de nos anciens amis. Nous visitons rapidement la carrière où une partie du régiment est cantonné, tout à fait à l’abri des “marmites”.

À 11 heures, pour obéir aux ordres notifiés sur le rapport, nous nous dirigeons, Pouch et moi sur Bimont où nous avons été envoyés “en reconnaissance” !!! Nous faisons en voiture le trajet jusqu’à Tracy où nous voyons un bel échantillon de village bombardé ; de la partie centrale du village, il ne reste presque rien ; plusieurs maisons ont été incendiées ; les autres bombardées ; de l’une d’elles il ne reste qu’un amas de pierres ; l’église a reçu un obus qui n’a pas fait grand mal. Nous filons à pied sur Bimont par un mauvais petit chemin qui nous mène dans un bois de petits arbustes formant d’inextricables fourrés.

tirailleursDe tous les côtés on ne voit que des zouaves, vifs, alertes, aux traits énergiques ; ils sont très gais et on ne les entend parler que de guerre et surtout de leurs propres faits d’armes ; ces braves gens prennent goût à la guerre ; on sent qu’ils y mettent tout leur coeur ; avec de pareils soldats qu’avons- nous à craindre ? Plus loin, aux zouaves, se mèlent des tirailleurs algériens et marocains au teint halé, à la figure énergique, crânes d’allure eux aussi sous leurs uniformes bleus. Les jeunes tirailleurs enrolés ou engagés font moins bonne impression, mais les vieux médaillés, à longue barbe ont un aspect terrible. De temps à autre, passent quelques chasseurs d’Afrique, superbes d’élégance sur leurs petits chevaux arabes. Décidément on se croirait dans la chaouia ou le Bled marocain.

Nous arrivons au poste de secours où nous sommes très bien reçus par notre confrère Vincent, qui nous offre de nous accompagner au cantonnement des tirailleurs situé dans le bois. En chemin nous rencontrons des spécimens de tranchées françaises et de tranchées allemandes, celles-ci formées d’une série de loges individuelles avec tout à fait en avant la loge du chef de section. Sur le plateau, est disposé tout un carré de tranchées que les zouaves ont dû enlever en une splendide charge à la baïonnette qui a consisté à descendre sous une pluie de balles une pente abrupte et remonter le talus opposé. Nous arrivons au cantonnement des tirailleurs fort bien installé dans le bois ; à un moment deux officiers nous avertissent qu’il y a danger à continuer ; nous (arrêtons notre marche) poussons jusqu’à la casemate où est installé le colonel avec deux capitaines. Fort aimablement, il nous invite à boire avec eux une gorgée de “schnaptz”.

Nous passons une heure fort agréable à causer de la guerre pendant que, à 500 mètres, tirailleurs et allemands se canardent à n’en plus finir. Ça sent la guerre ! Tout à l’heure Vincent m’a arrêté au moment où je m’apprétais à sortir du bois ; les allemands installés à la lisière du bois qui fait face m’auraient vraisemblablement salué. Le soir, nous rentrons tranquillement en causant avec quelques zouaves qui nous font part de leurs impressions sur les premières batailles de la guerre.

À notre retour nous sommes heureux d’en b(oucher). un coin à X. et Y qui persistent à se faire passer pour des héros et qui se désespèrent en voyant que ça ne prend pas.

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