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Clément CAMBOURNAC

Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC"poilu" de la Grande Guerre

Y penser toujours, n'en parler jamais
contexte0

Pour la 1ère fois, je me blottis dans un petit abri naturel

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5 déc.

Qui a bien failli être le dernier de ma vie ! Je pars en service à Ollencourt. Je prends mon chemin habituel par la forêt, après avoir quitté Pouch qui est venu avec moi jusqu’à Tracy et qui m’a montré un 150 non éclaté. J’entends des obus éclater à bonne distance. Voilà que subitement j’entends un sifflement de marmite qui vient en ligne droite vers moi.

Pour la 1ère fois, je me blottis dans un petit abri naturel situé à ma droite sur le bord du chemin ; heureusement pour moi l’obus, un 150 à schrapnell éclate juste au-dessus de moi, couvrant de mitraille l’endroit où je me suis abrité et les arbres environnants. Dès que tout est tombé, je me replie en bon ordre sur Tracy-le-Mont. Les habitants des 1ères maisons s’enfuient épouvantés dans leurs caves ou vers la partie du village la plus éloignée. Je vais prendre le chemin de Cosne par les escaliers. Quelle reconnaissance ne dois-je pas à la providence qui a permis que ma vie soit sauvée par cet abri minuscule sans lequel j’aurais été démoli et dont j’aurais pu être bien plus éloigné. Mon Dieu, vous savez que j’ai fait le sacrifice de ma vie, s’il est nécessaire ou utile ; si une balle m’atteint j’aurai sans doute la satisfaction d’avoir accompli mon devoir de Français ; mais j’aurai le désespoir de songer que mes pauvres chers parents, mes soeurs, mon frère souffriront même matériellement de ma mort et que je laisserai après moi une dette d’honneur envers eux que je voudrais acquitter avant de mourir. Aussi, mon Dieu, merci de m’avoir sauvé une fois de plus.

Lettre du 5 décembre

6 décembre, dimanche.

J’accompagne les abbés Mas et Regimbeau qui vont dire la Messe à Tracy où je fais la Sainte Communion. Arrivé à Offemont, je contribue à notre installation dans notre nouvelle habitation. Nous y serons merveilleusement bien, dans un cadre tout à fait en rapport avec notre situation.

Un monoplan Blériot survole le cantonnement ; il fait des signaux à distance et finit par atterrir. Ses renseignements n’ont pas été jugés inutiles, car une batterie de 105 fait successivement 4 feux de salve. Le soir nous jouons au foot-ball avec un ballon offert par notre médecin-chef.

7 déc.

De service à Tracy ; journée quelconque. Pour la 1ère fois, je goûte du chevreuil.

8, 9, 10 déc.

Arrivée d’un nouveau confrère Manificat, envoyé en subsistance au groupe et affecté à Choisy-au-Bac. Il permute avec Piquemal.


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