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Clément CAMBOURNAC

Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC"poilu" de la Grande Guerre

Y penser toujours, n'en parler jamais
contexte0

Nous allons jusqu’à un endroit à 40 mètres des Boches

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26 déc.

Pendant la nuit Dumas me réveille pour un blessé qui agonise et qui n’a même pas été pansé ! Je vais réveiller mon ami Desgarces et avec lui je donne quelques soins au malheureux. Le lendemain j’ai le plaisir de voir mon camarade Vincent ; bonne journée en perspective ; bonne nuit aussi : la veille j’ai couché sur la paille à cause de deux galopins de lieutenants qui ont osé laisser coucher l’aide major sur un fauteuil et accepter son lit. Belle engeance que ces “combattants” ! Ce soir, nous sommes disposés à les recevoir comme ils le méritent... ! Dans l’après midi nous allons Vincent, Le Breton, le sergent brancardier et moi à Puisaleine ; en passant on me fait cadeau d’un ... ; nous traversons Puisaleine creusé de tranchées et de boyaux. Certaines maisons sont complètement entourées de tranchées ; à un endroit le boyau s’élargit et au milieu de l’espace ainsi formé se dresse la pompe d’une fontaine entourée de tirailleurs qui attendent leur tour, un seau à la main ; le spectacle ne manque pas de poésie. Nous allons jusqu’à un endroit à 40 mètres des Boches ; un peu en arrière nous voyons de nos créneaux les tranchées allemandes qui dévalent de la colline pour arriver presque jusqu’à la route de Nampeel. Une mitrailleuse boche commence sa ritournelle andantino ; la lenteur du mouvement donne au bruit un caractère lugubre que complète le sifflement des balles sur nos têtes. Nous redescendons ce coquet ravin de Puisaleine et rentrons à Bimont ; 2è nuit à Bt.

27 dim, 28, 29, 30, 31 déc.

Je vais à Compiègne toujours sous le même fallacieux prétexte. J’ai la bonne chance de trouver ?ovoujon, médecin auxiliaire aux brancardiers du 13è corps ; nous passons ensemble une très bonne journée. Le soir je reprends en vélo le chemin d’Offemont, chargé comme une bourrique, après avoir eu bien soin de prendre l’heure de l’Hôtel de Ville pour pouvoir entonner la marseillaise exactement à 0 heure, 1er janvier 1915. Abominable saucée en route ; j’arrive trempé comme une soupe. A mon arrivée, j’apprends qu’un tringlo a été blessé à Bimont, Raynal, un aveyronnais. Le matin, l’ambulance 4,37 a cédé la place à la 2,75 que j’ai croisée en route.

Le soir nous nous apprétons Pouch, Lanchier, Bersot, Fritsch et moi à enterrer dignement 1914 et à inaugurer tout aussi dignement 1915, l’année qui verra la signature d’une paix glorieuse pour la France venant après l’anéantissement complet du militarisme germanique. On s’arrose copieusement la dalle, on bouffe des crèpes, on chante.

Lettre du 27 décembre

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