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Journal et lettres de Clément CAMBOURNAC, "poilu" de la Grande Guerre |
Y penser toujours, n'en parler jamais |
Bombardement des environs du château et du village. Même pas de dégats.
Le Foot-Club d’O.(llencourt)
On
s’ennuyait à mourir pendant les tristes
journées de novembre ; aucune occupation pour les
jours de repos ; on passait 2 heures à faire une
volumineuse correspondance ; tout est nouveau, on
n’a aucune peine à faire des lettres de 6 ou 8
pages et puis je sais que ça fera tant de plaisir
à Papa, Maman, à mes soeurs ; avec
Urbain je n’ai pas besoin d’être aussi
loquace ; il en sait aussi long que moi sur la guerre.
Malgré tout lorsque Lemay et Piquemal lancent
l’idée de jouer au ballon, je
l’accueille avec plaisir. Quelques jours après,
nous jouons notre première partie, vers le début
de décembre. Il y a peu d’adeptes mais la
qualité compense largement ! Piquemal, Lemay,
Pouch, Pica, Bergeaut, etc., Bibi. Mais il n’y a encore
aucune organisation. Après les attaques de
décembre on trouve quelques joueurs de plus dans le
groupe ; Vianey à la 2/75, Perrin de
l’artillerie lourde ... les médecins de
l’ambulance, Mary, Capette, Souchon, Revelli, Mairet. On fait
des parties sérieuses. Avec 2 camps. Les médaux.
Jouent un rôle de plus en plus
prépondérant, PICA passe ses journées
à rafistoler le ballon qui menace ruine. On commence
à parler de match . on a appris que l’ambulance
1/1 a, elle aussi une équipe de foot-ball. Finalement,
quelques joueurs plus acharnés lancent un défi
à des ambulanciers de St Crépin. Le lendemain
nous voyons
arriver à la villa Cacatoes le médecin-chef
Didier avec un margis de tringle qui dirige
l’équipe de la 1/1. Ils viennent relever le
défi et conclure le 1er match. En quelques instants
l’affaire est réglée ;
à dimanche prochain. On avertit l’heureux qui est
enchanté. Nous nous mettons aussitôt en devoir de
former une équipe capable de défendre vaillamment
le drapeau du Gbd. Foata qui est arrivé au groupe quelques
jours avant nous sera précieux. Après beaucoup
d’hésitations, nous arrivons à former
la « meilleure
équipe » On me fait l’honneur
de me bombarder capitaine. Simon,
Cambournac, Foata, Salvayac, Guillaumot, Vialleton, Pouch, Fica, Semay,
Brigitte, Bergeaud. Le match est
définitivement fixé au
dimanche ... mars. L’avant veille rapport tapé
à ce sujet ; l’enthousiasme est
général ; tout le monde parle du grand
évènement sportif. Le samedi, je suis de service
à O.(llencourt) . Sur la route,
nombreux sont ceux qui me demandent des tuyaux, journée
fiévreuse à Ollencourt. Le dimanche matin
j’apprends que l’équipe de St
C.(répin)
est formidable, qu’elle compprend des joueurs de bonnes
équipes du nord, Massa du stade Raphaelois ancien
ch.(ampion) de France, un ch.(ampion)
de Fr.(ance) de course à pied. Nous aménageons le
terrain. A 1 heure, la foule commence à
rappliquer ; au coup de sifflet il y a plus de 300
spectateurs. Il fait un temps splendide ; je perds le
camp ; il faudra dans la 1ère mi-temps lutter contre le
vent. Vianney arbitre. Emotion intense. Ca commence assez bien. St
Cr.(épin) fait plusieurs descentes dangereuses que
j’arrête chaque fois. Enfin nos avants poussent
dûr ; coup de réparation par Guillomot
qui marque le but ; enthousiasme ; mais nos
adversaires se reprennent vite et coup sur coup ils marquent 3 buts sur
des fautes grossières de Simon. Le Gbd n’en
mène pas large ; à la mi-temps
j’essaie de remonter le moral des joueurs ;
c’est assez dur
d’ailleurs ; à la 2è mi-temps,
en 10 minutes Brig.(itte) et Lemay marquent 2 buts. Nous
voilà à égalité. Les St
Cr(épin) en cognent dur ; ils me tombent dessus
avec furie,
mais chaque fois je m’arrange pour renvoyer le ballon et pour
faire rouler à terre le joueur trop brutal. A plusieurs
reprises toute la foule m’applaudit ; finalement
nous marquons un 4è but au milieu du
délire général. La victoire est
à nous et nous l’avons encore quand sonne la fin.
Vin d’honneur, photos, champagne. A dimanche prochain la
revanche à St Cr(épin). Nous modifions un peu
l’équipe : Fica, Cam(bournac),
Bergeaud, Vialleton, Guill(aumot), Bonnot, Pouch,
Salvayre, Vianney, Brigitte, Foata. Nous allons à St
CR(épin). Il fait un vent épouvantable ;
nous avons
d’abord le vent contre nous, ce qui ne nous empêche
pas de marquer 3 à 2 puis 5 à 2 dans la 2è mi-temps où nous
tenons nos adversaires à notre merci. Les joueurs qui se
sont le plus distingués sont Guillaumot, Trigitte, Vianney
et bibi ; cela me fait prendre un goût terrible au
foot-ball ; me voilà joueur pour la vie ;
on parle de s’inscrire à l’O.L.
après la guerre. L’Heureux est aux
anges ; son équipe est connue dans toute la
région comme la plus formidable de la division ;
nous faisons la pluie et le beau temps. Quelques temps
après, le lieutenant
Raymondet vient me demander un match avec une équipe
d’artilleurs. Entre temps, notre 2è équipe bat la 1ère équipe
d’un groupe d’artillerie lourde. Celle du 2è groupe de 75 est
matchée ; match nul très
disputé ; bonne angueulo du capitaine du F.C.O.
Nouveau match avec Perrin avec le concours de Piquemal ;
nouvelle victoire. L’Heureux ayant eu
l’idée saugrenue de modifier lui-même
l’équipe, les joueurs se découragent.
Match avec les tirailleurs (avec qui nous avions fait un nul) qui nous
battent par 5 à 2 ; il est vrai de dire que 2 de
nos bons joueurs étaient absents et que 3 autres
étaient saoûls.
... ... fin du 2ème carnet.